vendredi 28 mai 2010

3 semaines en Birmanie


Après deux jours passés à Bangkok (le temps de fêter l'anniversaire de J. dans un excellent restau français), nous mettons à nouveau les voiles, direction la Birmanie.

Rebaptisée Myanmar lors de son indépendance en 1947, elle ne s'est invitée que tardivement dans notre itinéraire.
On s'était évidemment posé la question du boycott de la plus longue dictature militaire toujours en course, qui a procédé à une unique élection démocratique (1990) depuis son arrivée au pouvoir en 1962, refusant à cette occasion l'écrasant succès (80%) de la célèbre dissidente Aung San Suu Kyi assignée à résidence pratiquement sans discontinuer depuis.

Comment accepter de soutenir (via l'argent du tourisme) une junte qui envoie l'armée à chaque manifestation populaire et refuse longtemps l'aide étrangère lors d'un typhon meurtrier (environ 150 000 morts en 2007) ?
Comment accepter l'idée d'aller là où l'on tue à petit feu les ethnies dérangeantes (dont les célèbres Karen), où l'on a recours aux travaux forcés et où quelques nantis s'accaparent toutes les richesses naturelles (gaz, pétrole, pierres précieuses, bois...) au détriment d'une population qui vit, ou plutôt survit, majoritairement dans une cruelle pauvreté ?


Tentés d'éclaircir par nous même le flou qui règne autour de ce pays et influencés par les très bons échos de nombreux voyageurs nous decidâmes quand même d'y aller !

Après coup, notre décision nous est apparue juste et bienvenue, la découverte de ce pays fascinant et d'un peuple si attachant valait assurément le détour. Nos dépenses étant majoritairement allées à une population qui en avait besoin. Des gens avides d'échanges avec l'extérieur, curieux et dignes qui, au contraire, condamnaient un boycott les privant de revenus, de témoignages et de regards étrangers... Le tourisme ne représentant qu'une très petite part des revenus de la junte comparé aux milliards de leurs ressources et qui se révèle pourtant si important du point de vue du vendeur de rue, du tenancier du coin, du guide touristique, du conducteur de bateau, du chauffeur de taxi ou de l'artisant...


Mais revenons à notre périple...

C'est au petit matin que nous arrivons à Yangon. Elle n'est d'ailleurs plus la capitale Birmane, transférée depuis 2005 au centre du pays à Nay Pyi Taw par tradition royale, par peur d'un envahissement "à l'irakienne" ou après consultation des astres (selon les sources). Montant de la facture: plus de 250 millions de dollars pour une ville à moitier vide au milieu d'une zone aride mais desservie par des routes à six voies... Corée du Nord spirit... Une blague circule à ce sujet dans les milieux populaires pour expliquer les pannes d'électricité quotidiennes de tout le pays (à l'exception des zones proches de la frontière chinoise, là ça s'y règle en Yuan et ya plus de problème!) qui seraient dues au besoin "d'alimenter la climatisation des pingouins du zoo" de la nouvelle cité... Le pire c'est que c'est peut-être pas vraiment une blague... Enfin bref !


Nous découvrons rapidement un pays encore fortement empreint de traditions, du fait de son isolement :

• les hommes portent le longyi, sorte de pagne qu'ils nouent à la taille dont les motifs changent suivant leur origine et mâchent toute la journée du bétel les obligeant à cracher très régulièrement un liquide rouge (on dirait du sang). Niveau goût c'est vraiment pas génial...
• les femmes s'ornent le visage de thanakha, mélange d'écorce et d'eau qu'elles utilisent autant pour le maquillage que contre le soleil...
• les rues sont le quotidien théâtre d'un "défilé" de moines bouddhistes présentant leur gamelle à la porte des maisons et à qui les habitants, même pauvres, donnent ce qu'ils peuvent à manger (la plupart du temps du riz). Pour visualiser la scène, imaginez des bandes de skins drapés de rouge, se baladant un jour d'halloween de maison en maison, à la queue leu leu...
Le monastère est capital dans la vie du pays : lieu de culte et de retraite, il joue aussi un rôle socio-éducatif essentiel où orphelins et enfants des familles défavorisées sont envoyés lorsque les structures étatiques compétentes manquent ou sont inabordables.



En sillonnant les environs de Mandalay puis de Bagan, les richesses architecturales birmanes se dévoilent peu à peu... Les rois des siècles passés aimaient à changer de capitale pour asseoir leur pouvoir. Ils ont ainsi construit de façon dispersée de multiples palais, temples et lieux de culte, certains couverts d'or, d'autres remplis de bouddhas, voire les deux en même temps...


À Bagan, perchés sur leurs sommets, nous aimons admirer ces temples millénaires qui s'étendent à perte de vue au milieu des champs, arides ou verdoyants...


Une magie indescriptible, conséquence du changement de couleur du ciel lorsque le soleil décide de céder sa place à la lune, s'ajoute au charme et à la beauté de cette incontournable étape de tout voyage au Myanmar.



La Birmanie, c'est aussi une cohabitation de plus de 130 ethnies que nous avons un peu plus approchées lors d'une randonée dans les montagnes de la région de Hsipaw (Nord-Est). 


Les plus reculées pratiquent encore le troc et sont étonnantes d'inventivité dans leur environnement retranché de toute modernité (ou presque...). Certains ont même confectionné de petits barages qui alimentent de grosses dynamos histoire d'avoir un peu d'électricité afin de faire fonctionner le plus important : la télé, la parabole (pour le foot anglais) et quelques ampoules (toutes à basse consommation)...



Bien entendu, nous ne pouvions manquer d'autres classiques de ce joli pays :

• le plus long pont en bois de teck au monde à Amarapura et les alentours de Mandalay...


• les milliers de boudhas planqués dans des grottes de Hpo Win Daung, isolées de tout et de leurs environs...




• la pagode Shewdagon et son dôme d'or de 98m de haut à Yangon...



• les balades en bateaux dont celle du lac Inle découvrant ses villages sur pilotis, leurs pêcheurs, leurs marchés, leurs jardins flottants...




Le travail manuel a ici très peu de valeur tant il y a de main d'œuvre. Tout est confectionné à la main (ou au pied). Impressionnant de voir à la tâche les applatisseurs de feuilles d'or, les tisseurs de soie, de coton ou de lotus, les sculpteurs de bouddhas en marbre, les rouleurs de cigares, les fabriquants d'objets laqués, les pêcheurs, les conducteurs de trishaws ou encore les ouvriers de la route, écrasés par un soleil de plomb...


Mais la Birmanie, ça restera avant tout pour nous la découverte d'un peuple touchant et vrai. On garde en tête tous ces sourires spontanés, jeunes et vieux, des villes comme des champs... Cette gentillesse incroyable malgré une pauvreté criante et des conditions de vie difficiles. Des gens simples, trés curieux, si serviables. Un peuple qui souffre mais qui cherche à s'en sortir en rivalisant de débrouillardise, d'humour et de volonté.

Petite tournée de remerciements même si la plupart des cités ne liront sans doute jamais ce blog...
• Merci au chef du village de Phen Khan de nous avoir hébergé (et nourrit !) dans son humble demeure (bien que la nuit au dessus des buffles et coqs ne fut pas très reposante et le foie de poulet au p'tit dej' déroutant pour certaines)...
• Merci à notre guide Ko oo de nous avoir emmenés dans les villages Shan et Palaung...
• Merci à Cho Cho et à sa femme pour son cours de cuisine birmane et le délicieux curry d'oeufs au bord du lac Inle... (En parlant cuisine, la nourriture ici n'est pas diet du tout, viande en sauce, riz, soupe de lentilles et d'autres petits bols divers et variés... Ça tient au corps et c'est pas très fin mais bon, ça se laisse manger ;-))...
• Merci aussi à tous ceux qui ont osé témoigner de leurs conditions de vie et des griefs qu'ils avaient contre leur gouvernement malgré les risques encourus, ils furent nombreux et touchants...
• Merci à Patrick photo-reporter pour ses histoires et ses compresses...
• Merci enfin à Charlotte, Mélanie et Céline de nous avoir accompagnés à un moment ou à un autre de cette étape birmane, participant pleinement à sa réussite... à Mama Susie et Shaun pour leurs mangues et leurs bons soins... (ah oui, on avait oublié le bout de bambou enfoncé dans le pied de Capucine pissant le sang et nécessitant un petit passage à la clinique locale: anesthésie et incision à la lame de rasoir pour enlever l'intrus... Rien de grave, tout est cicatrisé maintenant... mais si elle devait repasser sur le billard un jour, elle se ferait rapatrier !).


A l'heure qu'il est, nous écoutons la pluie tomber sur les toits de tôles, appréciant la relative fraîcheur après trois semaines de sécheresse et de chaleur (on a atteint les 45-50 degrés à l'ombre... vous imaginez au soleil?) ça y est, on a arrêté de boire nos dix litres d'eau par jour, on préfère maintenant le thé. Il fait bon, 28 degrés, un régal.

Ici la saison des pluies commence et nous nous envolons bientôt pour de nouvelles contrées...

Portez vous bien


C. & J.



Msg personel: 1991 - 2010.  Honneur aux amoureux de la tête de faucon !

Playlist : Laurel Aitken - Rudi got married / et bien entendu les heures de karaoké suivies de séries B à côté desquelles Hélène et les garçons c'était bien, dans des bus birmans surchargés (allée centrale comprise...) jusqu'à pas d'heure, volume au maximum...

Lectures : Le ciel de Bay City (Catherine Mavrikakis) / L'immeuble Yacoubian (Alaa El Aswany) / L'ange noir (John Connoly) / Dans les bois éternels (Fred Vargas) / Citoyens clandestins (DOA).


mercredi 5 mai 2010

Les Perhentian islands, Kota Bahru, Cameron Highlands, Penang


Grâce à une efficacité improbable du consulat de Birmanie, nous quittons rapidement Kuala Lumpur après avoir récupéré nos visas pour cette "belle" dictature que nous devrions rejoindre deux semaines plus tard... Mais pour l'instant, direction les îles Perhentian au Nord-Est de la Malaisie péninsulaire.

Arrivée très ensoleillée, nous profitons donc de désertes plages paradisiaques (si, marcher dix minutes dans la petite jungle, croisant quelques jolis et énormes varans ne vous effraie pas), de la forêt bien sûr et d'excellents poissons grillés...


Mais comme on ne peut pas toujours avoir de la chance, le séjour fut rapidement écourté par l'arrivée de la pluie. Mais pas une petite pluie ridicule, nan nan nan, des averses de plusieurs heures !
On s'est alors occupé comme on pouvait, veillant par exemple sur une centaine de petites tortues récupérées  sur la plage quelques jours avant notre arrivée. Grâce aux bons soins d'un couple d'anglais, elles auront échappé à l'appétit des varans et autres requins. Habituellement, seuls 3% des oeufs d'une ponte survivent. Espérons que cette session affolle les statistiques !



Nous gagnons ensuite Kota Bahru, à l'extrême Nord-Est du pays, dans la région de Malaisie où la religion musulmane est la plus solidement ancrée.

















Nous y déambulons et assistons le jour, à des créations artistiques, des combats d'un art martial non identifié et goûtons le soir venu, aux nombreuses spécialités de la région s'étalant copieusement sur les marchés nocturnes : riz bleu, crêpes fourrées (Murtabak), brochettes de poulet marinées (ayam percik), poissons, brochettes de poulpe et tant d'autres... On y frôle (surtout Jérémie) l'indigestion de plaisir !!!




Attirés ensuite par la fraîcheur des hauteurs, nous la trouvons prématurément dans un bus surclimatisé. Frigorifiés et ne pouvant fermer l'oeil de la nuit, nous sommes heureux de descendre à 3h du mat' dans une gare glauquissime avant d'en reprendre un autre quatre heures plus tard pour rejoindre les fameux Cameron Highlands.

C'est dans cette région que se concentrent d'immenses plantations de thé dont les alignements à flanc de colline dessinent de jolis paysages zébrés de vert, quasi rectilignes.


On s'y balade avec beaucoup de plaisir, croisant de nombreux travailleurs, tous indiens, dont une partie est logée sur place. Notons que la visite des plantations et les panneaux explicatifs sont à notre regret un peu trop simples. Omettant (volontairement ?) une partie de l'Histoire, les grandes migrations engendrées disparaissent, tout comme l'asservissement des nombreux "coolies" venus d'Inde (alors que l'esclavage était officiellement aboli...), aucune trace du système mis en place par les anglais afin de bénéficier d'une main d'oeuvre bon marché... Par contre les panneaux font la part belle au fondateur anglais de la plantation et de sa réussite... Encore le mythe du self-made man... Ça nous fait toujours rire (jaune) qu'on puisse dire d'un mec qui récolte le fruit du travail quasi gratuit d'immigrés exploités, qu'il a construit sa fortune tout seul... M'enfin c'est un peu le principe de notre belle société capitaliste (c.f: Betancourt, Bouygues et tant d'autres...) !


Mais revenons aux Cameron Highlands et à la fraîcheur de leur climat... Grâce à lui, la production de fraises devient (on ne sait trop comment mais depuis la boutique M&M's de NYC on a arrêté de chercher à comprendre) l'autre attraction touristique du coin. La commercialisation d'objets dérivés en tout genre (même des cache-oreilles alors que la température avoisine les 23 degrés !) en fait un joyeux supermarché de la fraise...


Nous terminerons notre séjour malaisien sur l'île de Penang y arrivant de nuit alors que la terrasse de notre petit hôtel (quelque peu miteux) était transformée en concert de hard-rock façon 80's... jusque tard dans la nuit les guitares saturèrent... Mais aucune importance puisqu'il fallait veiller pour suivre la finale de la coupe  aux grandes oreilles, remportée au petit matin et au terme d'un match haletant, par le club de cœur de J. le grand Paris-Saint-Germain FC ! On vous laisse imaginer la tête des clients et des employés de l'hôtel lorsque le but victorieux fut célèbré comme il se devait peu avant 5h00... ;-)

Mais revenons à Penang qui comme de nombreuses villes ici est à la confluence d'influences chinoises, indiennes et bien sûr malaises qui font la diversité et la curiosité de ce pays : on boit des lassis dans les rues aux raisonnances bollywoodiennes et on mange du porc (présence chinoise oblige, merci à eux !) sous les  sonores appels d'Allah akbar aux heures de prière. Ajoutons que cette région est la seule de toute la Malaisie où nos amis chinois sont majoritaires...


Finalement, la découverte de ce pays fut étonnante, animée par des rencontres qui le furent tout autant : un français bloqué à KL faute d'argent ayant eu la géniale idée de laisser l'ensemble de son pécule (1000$ + CB) dans une simple poche à pression alors qu'il dormait sur un banc public... Une suisse perchée sur son nuage ayurvédique (un truc en rapport avec le yoga), un allemand complètement paniqué à l'idée de faire son tour du monde en solo (il aurait pu y penser avant de partir !) et un autre de ses compatriotes à qui nous servirons d'interprète pour faire ouvrir un compte en Suisse afin d'y déposer 70000 € via un contact francophone sur place... Une sombre histoire de fisc allemand très très méchant avec lui...

Les malais de leur côté ont été, dans leur majorité, souriants et vraiment serviables. Ils nous prennent facilement en stop, on peut communiquer avec eux et ils n'hésitent pas à nous aider lorsqu'on est perdus ou qu'on ne saisit pas toutes les petites subtilités de leur pays...

C'est ici que se termine notre aventure malaisienne, cap maintenant sur Bangkok en 24 petites heures de train afin d'y prendre notre avion pour la Birmanie où nous n'aurons sûrement pas d'accès internet pendant trois semaines donc ne vous inquiètez pas si vous n'avez pas de nouvelles de nous de sitôt...

Bises


Jérémie et Capucine


Playlist: BxN, Molodoï.
Lecture: Marching powder (Rusty Young), en anglais s'il vous plait...

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